Être protestant, entre Histoire, culture et foi

En recevant la semaine dernière l’aboutissement du travail généalogique de la famille Clavairoly, j’ai appris que nous étions protestants depuis au moins 1586 et un certain Izaac Clavairoly inscrit dans un registre de Saint-Hyppolyte-du-Fort le jour du baptême de sa fille.

Cette information me touche, me rend fier, mais m’interroge aussi. Elle a donné lieu à de belles discussions familiales, en disant quelque chose d’une Histoire au long cours faite de choix personnels et de décisions parfois douloureuses : le refus de la fuite ou de l’abjuration. Un héritage transmis autant qu’assumé.

Mais le fait d’être protestant ne saurait se définir comme le fait d’être porteur d’un héritage, qu’il soit historique, culturel ou même religieux. Qui sait que le célèbre slogan féministe « On ne nait pas femme, on le devient » de Simone de Beauvoir, est un emprunt au Père de l’Église Tertullien qui écrivait au IIIème siècle : « On ne nait pas chrétien, on le devient » ?

Gaspard de Coligny ne resta pas fixé là où le hasard de la naissance l’avait jeté.

Gottold Ephraïm Lessing, précurseur du mouvement des Lumières allemandes, fils de pasteur, écrit dans son magnifique « Nathan le sage », une ode à la tolérance religieuse mais aussi à la liberté de conscience : « Un homme comme toi ne reste pas fixé là où le hasard de la naissance l’a jeté ; ou bien, s’il y reste, c’est après examen, par raison, par choix ».

Connaître l’héritage pour l’interroger, certes, mais ne pas s’en contenter, c’est aussi le propos du rabbin Delphine Horvilleur qui s’interroge elle aussi sur ce qui fonde l’identité religieuse en relevant avec prudence qu’aucune définition n’achève la question :

« À travers l’histoire juive, certains énoncés normatifs ont tenté de s’imposer : Est juif l’enfant d’une mère juive ou celui qui s’est converti au judaïsme… Est juif celui dont un des parents est juif et qui est élevé exclusivement dans le judaïsme… Est juif celui dont les enfants ou les petits-enfants sont juifs… Est juif celui qui ne cesse de se poser la question de ce qu’est être juif. Aucune de ces définitions n’est fausse et aucune n’est vraie. Chacune est un éclat de vérité, une voix parmi d’autres ».

Notons, pour couper court à tout orgueil déplacé, que la sociologie des religions a démontré – parfois cruellement -, le décalage qui existe entre les images qu’ont d’eux-mêmes les protestants, et la manière dont ils sont perçus : si par le passé, l’antipathie à leur égard a pu être un marqueur identitaire contribuant à souder les membres d’un corps minoritaire, les récents sondages ont montré que c’est aujourd’hui l’indifférence qui semble prévaloir. Or cette indifférence supprime de facto le « stigmate » dont les protestants étaient porteurs, leur ôtant la possibilité de transformer ce « stigmate » en « emblème » de leur identité, selon une terminologie employée par Pierre Bourdieu.

Pour ma part, je pense que si l’Histoire doit être connue et comprise (le prénom même d’Izaac dit en lui-même quelque chose du projet protestant d’une redécouverte de l’Ancien Testament à une époque où la lecture de la Bible était interdite), si les « stigmates » ne sauraient être oubliés, c’est sur un autre terrain que se joue l’identité protestante, que celui de la généalogie.

Il est primordial que chacun puisse faire l’examen de ce qui fonde cette identité, tant sur le plan individuel que collectif, car dans un cas comme dans l’autre, c’est bien le projet protestant à la fois dans la sphère privée, et dans la société, qui dira la pertinence d’une identité.

Je fais ainsi mienne cette phrase du poète palestinien Mahmoud Darwich qui écrit : « l’identité n’est plus seulement un héritage, elle est une création. Nous la créons, et nous ne la connaîtrons que demain ».

Pasteur Fabian Clavairoly

 

A noter :

  • Dimanche 19 à 10h30 : Culte avec les Gospel Friends du Bouclier suivi d’un repas fraternel : Venez nombreux !

 

 

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Édito

Vere Papa mortuus est

En devenant en 2013 le premier pape issu des Amériques et le premier jésuite à occuper cette fonction, François, né Jorge Mario Bergoglio incarnait de par sa seule élection un tournant majeur, en particulier au regard du pontificat de son prédécesseur Benoit XVI qui fut marqué du sceau de la rigueur dogmatique et du conservatisme théologique. Il convient ainsi, à la veille de ses obsèques, de noter que son mandat porte de part en part une volonté de réforme inspirée non seulement par une attention particulière aux plus démunis, mais aussi par un intérêt renouvelé pour le dialogue œcuménique.

Dès ses premiers pas, François se donna donc pour mission d’incarner un Église plus humble et plus proche des gens, en prônant la simplicité et la compassion. Au-delà des symboles, comme celui de délaisser les appartements pontificaux du palais apostolique pour une modeste chambre à la résidence Sainte-Marthe, le 266ème souverain pontife a ainsi tenté plusieurs initiatives pour aider les migrants, dénonçant sans relâche les politiques d’exclusion au nom du Christ. Dans les faits, François a toujours privilégié une présence auprès des plus humbles comme lors de son voyage à Lesbos en 2016, où il a rencontré des réfugiés, et il déclinera l’invitation de l’Élysée et du Diocèse de Paris lors de la réouverture de la Cathédrale Notre Dame, privilégiant des destinations moins évidentes comme l’Irak, la République Centrafricaine ou encore la Mongolie au nom de ses idéaux.

Sur le plan doctrinal, l’encyclique Laudato si publiée en 2015 est reconnue de manière unanime comme un texte majeur, et place officiellement l’écologie au cœur des préoccupations chrétiennes (dans les faits, les sondages montrent que près des deux tiers des catholiques en France ne savent pas ce qu’est ce texte).

En théologie protestante, le temps des obsèques ne rime cependant pas avec hagiographie. Il convient également de pointer les limites d’un pontificat marqué par l’ampleur inédite des affaires de pédophilie et de violences institutionnelles à travers le monde entier. Une ampleur dont nous ne mesurons pas encore complètement la gravité. En France, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église catholique (CIASE) présidée par Jean-Marc Sauvé rendit un rapport accablant en 2021 : 216 000 personnes aujourd’hui majeures auraient été agressées par un clerc alors qu’elles étaient mineures entre 1950 et 2020. Et alors même que le président de la Conférence des évêques de France révélait en 2022 que 11 évêques étaient mis en cause par les autorités judiciaires ou ecclésiales pour des faits de violences sexuelles, le pape François ne digérera jamais l’utilisation du terme « systémique » auquel conclut pourtant le rapport : malgré des velléités affichées et des paroles de contrition répétées ad nauseam, les faits marquants attendus quant à eux, après les paroles, ne suivront pas (le président de la CIASE ne sera d’ailleurs jamais reçu au Vatican).

Entre le 15ème et le 20ème jour après la mort du pape comme le veut la règle, soit entre le 6 et le 10 mai prochains, 135 cardinaux électeurs devront se réunir dans la chapelle Sixtine pour élire parmi eux le nouveau souverain pontife en votant quatre fois par jour jusqu’à ce qu’un d’entre eux réunisse au moins deux tiers des suffrages. Outre la question des scandales sexuels à répétition, de la crise des vocations et de l’effondrement massif de la pratique cultuelle en occident, le nouveau pape héritera de facto de chantiers énormes ouverts par son prédécesseur mais largement laissés en suspens, comme la place des laïques, ou celle des femmes dans l’Église.

Quel qu’il soit, ce successeur devra choisir de s’inscrire soit dans la ligne des prises de positions de François, souvent courageuses, soit dans celle de ses actes, finalement assez décevants.

Pasteur Fabian Clavairoly

Welcome

Le Bouclier wishes to be, above all, a lively Reformed parish. As heir to the first Reformed community founded by Jean Calvin, « Le Bouclier » (The Shield, named after the name of the street) is made up of 1,200 members and accompanied by two pastors.

« Le Bouclier » seeks to offer sharing and communion in an open-minded way so that parishioners and their friends may live through their spiritual questions together in the light of the Gospel. Today, all age groups are equally represented with, as a consequence, very active young people.

We offer a church service every Sunday which is sometimes followed by lunch. There are activities for all ranging from a group of young parents, a choir, « les doigts agiles » (nimble fingers), « les causeries du jeudi » (Thursday afternoon chats), evening meals, Bible studies, adult catechism and long walks which take place at different periods of the year.

Willkommen

Herzlich willkommen. Die evangelische reformierte Gemeinde « Le Bouclier » ist die Erbin der ersten Gemeinde, die in Strasbourg von Jean Calvin gegründet wurde.

Alle Altersgruppen haben ihren Platz und ein Schwerpunkt liegt auf der Jugendarbeit: vom Krabbelgottesdienst, über den Kindergottesdienst und Konfirmandenunterricht, bis zur Jugendarbeit, mehreren Freizeiten, und internationalen Workcamps. Andere Aktivitäten der Gemeinde sind der Chor, der Gospelchor, der Frauen-Handarbeitskreis, das Treffen der Senioren, die « Essen zu Hause mit je 8 Personen », die Wandergruppe, Bibelkreise, Erwachsenenkatechismus…

Die musikalischen Aktivitäten, herkommend von der reformierten Psalmtradition, und heute mit den Chören, der neuen « von JS Bach erträumten » Orgel, und vielen Konzerten, Kantatengottesdiensten, ist ein anderer Schwerpunkt der Kirchengemeinde.

Nach dem Sonntagsgottesdienst (um 10h30) findet einmal im Monat ein gemeinsames Essen statt.

Die Gemeinde besteht heute aus 1200 Gemeindemitgliedern mit zwei Pfarrstellen . »Le Bouclier » bietet den Gemeindemitgliedern und ihren Freunden einen Ort, an dem sie sich begegnen können und an dem sie ihre Fragen und Beschäftigungen hinsichtlicht ihres Glaubens teilen und leben können.