Êtes-vous certains d’avoir compris l’histoire des Rameaux ?
Car l’histoire des Rameaux, rendez-vous manqué, est d’abord l’histoire d’un énorme malentendu. Certes, la foule acclame Jésus ce jour-là, et on connait les représentations joyeuses de cette scène qu’on a parfois fait jouer aux enfants d’écoles bibliques, mais elle le fait pour de mauvaises raisons. La foule l’acclame quelques jours avant de crier à Pilate de le crucifier parce qu’elle pense reconnaitre en lui le fruit de ses fantasmes : parce qu’il accomplit des miracles dont elle ne perçoit ni le sens ni la portée. La foule l’acclame surtout parce qu’elle voit en Jésus un sauveur au sens politique et militaire : ce chef qui lui fait tant défaut.
Ce n’est pas d’accueil de l’étranger dont rêve cette foule en acclamant Jésus, mais bien plutôt d’une restauration nationaliste et identitaire, elle qui est soumise à la présence humiliante de l’envahisseur romain.
Ce n’est pas de liberté de conscience dont rêve cette foule qui espère un chef qui puisse réhabiliter à la fois une caste sacerdotale et une monarchie digne de ce nom pour laver l’affront que lui fait subir l’Empire depuis trop longtemps.
Oui le malentendu est total, chez cette foule, à laquelle les chrétiens continuent parfois de s’identifier en agitant bêtement des rameaux à la sortie des églises, cette foule qui n’attend pas le Christ mais un roi politique et militaire qui puisse assouvir ses fantasmes alors que le Christ s’avance vers elle monté sur un ânon, et non sur un cheval de guerre.
Le Christ se présente non seulement comme un roi différent, mais toujours différent de ce que l’homme s’imagine: de ce que moi, je peux en dire.
Malgré les apparences, Christ ne s’est pas attaché à Jérusalem plus qu’à un autre lieu. Au contraire semble-t-il, puisque non seulement il le critique vivement, mais il nous précède en Galilée, c’est-à-dire précisément chez les païens, chez « les autres ». Jésus Christ a renoncé à tout pouvoir monarchique, à tout triomphe politique et à toute légitimité religieuse. Et ces renoncements fondent ceux auxquels l’Église est appelée à son tour. Mais l’erreur que commettait la foule à l’époque, la foule la commet aujourd’hui.
En ne lisant l’entrée de Jésus dans Jérusalem que comme un événement historique qui répond à une attente précise, elle passe à côté de l’essentiel : ce qu’il vient lui annoncer.
La foule, hier comme aujourd’hui, se réjouit de ce qu’elle pense avoir trouvé le salut dans ce qu’elle sait et dans ce qu’elle vit déjà, se contentant d’être elle-même avec satisfaction. Et à ce titre, nous sommes évidemment aussi, chacune et chacun, un peu de cette foule…
Pasteur Fabian Clavairoly