Lors de la peste noire qui s’abat sur l’Europe entre 1347 et 1351, les populations interprètent l’hécatombe comme un châtiment divin et cherchent des coupables.
Alors qu’on estime le nombre de victimes à 25 millions en cinq ou six ans – soit entre 30 et 60 % de la population européenne -, dans plusieurs endroits, les juifs sont désignés comme coupables, accusés d’avoir empoisonné les puits. En Suisse, en Rhénanie et en Alsace, des pogroms ont lieu et sous la torture, certains prisonniers font des aveux forcés, renforçant encore les accusations.
A Strasbourg, la population est déchaînée : dès le 9 février, les députés ordonnent l’arrestation des juifs et leur mise en jugement. Peter Schwarber, chef des corporations et Ammeister de la ville, s’y oppose fermement mais renversé par des députés en furie, il est remplacé par le boucher Johannes Betschold, qui le 13 février fait assiéger le quartier juif.

Le 14 février 1349, jour de la saint-Valentin, débute le massacre des juifs de Strasbourg.
Ceux qui refusent d’abjurer sont jetés dans des buchers dressés dans le cimetière juif (emplacement de l’actuelle place de la République) et voient leurs biens pillés.
« Dès l’aube, un vacarme indescriptible remplissait les rues de Strasbourg : c’était le bruit des troupes en marche, avançant au rythme de chants sauvages, accompagnés des cris de femmes déchaînées. Lorsqu’elle eut brisé les barrières qui fermaient l’entrée du quartier juif, la foule se précipita dans le ghetto. Hommes et femmes, enfants et vieillards furent égorgés sans pitié. Dans les maisons incendiées, des familles entières disparurent sans laisser trace ». (Chroniques de Clossner et de Kœnigshoffen).
Les strasbourgeois avaient conscience du rôle crucial joué par les Juifs pour l’économie de la ville, tant par leur rôle d’usuriers – alors interdits aux chrétiens-, que par les impôts dont ils devaient s’acquitter pour assurer leur protection. Ce statut de créancier donna souvent naissance à des sentiments antijuifs chez les plus endettés : les historiens ont aujourd’hui démontré que les persécutions coïncidaient parfaitement aux périodes d’endettement des seigneurs et des évêques tentés d’éliminer les Juifs pour voir leurs dettes effacées.
Pasteur Fabian Clavairoly